Alors que Dune de Denis Villeneuve est acclamé en salles, deux plateformes s’attaquent à deux autres sagas de science-fiction jugées intransposables à l’écran.Y, le dernier homme, lancée ce mercredi sur Disney+, s’inspire de la célèbre série de romans graphiques de Brian K. Vaughn et Pia Guerra.Foundation, lancée ce vendredi sur Apple TV+, met en scène le cycle monumental d’Isaac Asimov.

Il aura fallu cinquante ans pour qu’une adaptation du roman de Frank Herbert, Dune, colossal succès littéraire né en 1965, trouve enfin grâce aux yeux des fans de la planète de sable. La tentative d’Alejandro Jodorowsky n’a jamais vu le jour, celle de David Lynch a été reniée par le cinéaste, les téléfilms de John Harrison ont été jugés fidèles, mais pas assez spectaculaires. Alors que Dune de Denis Villeneuve est acclamé en salles, deux plateformes s’attaquent à deux autres sagas de science-fiction a priori impossibles à transposer à l’écran.

Y, le dernier homme, révélée mercredi sur Disney+ s’inspire de la célèbre série de romans graphiques de Brian K. Vaughn et Pia Guerra, tandis que Foundation, lancée ce vendredi sur Apple TV+, met en scène le cycle monumental d’Isaac Asimov. Alors, comment adapte-t-on deux œuvres jugées inadaptables, sans se mettre les fans à dos tout en parvenant à séduire un public nouveau ?

De nombreux aficionados pensaient que l’adaptation de Y, le dernier homme ne verrait jamais le jour. Le projet de film, en 2007, produit par David S. Goyer, n’a jamais abouti. Devenu pilote en 2015 pour FX, le développement de la série a traîné de nombreuses années en raison de différends artistiques jusqu’à ce que la showrunneuse Eliza Clark prenne les rênes.

Comment « Y, le dernier homme » s’est modernisé ?

La série de comics – 60 numéros publiés de 2003 à 2008, saluée par Stephen King comme « le meilleur roman graphique que j’ai jamais lu » – dépeint un monde postapocalyptique, dans lequel un mal mystérieux a décimé tous les mammifères porteurs d’un chromosome Y, à l’exception d’un homme cisgenre, c’est-à-dire non transgenre, nommé Yorick Brown, et de son singe apprivoisé, Esperluette.

Dans un monde post-11-Septembre, l’idée d’une bande dessinée sur une fin radicale du patriarcat était avant-gardiste.  « Tant de choses ont changé dans la conversation que nous avons sur le genre au cours des vingt dernières années », observe Eliza Clark dans une interview accordée à Thrillist.

Là où Y, le dernier homme brille en termes d’adaptation, c’est que la série n’a pas peur de dévier et de moderniser l’histoire originale. « L’une des choses qui m’intéressait le plus était de prendre toutes les choses que j’aimais dans cette bande dessinée et de les mettre à jour », confirme la showrunneuse dans les colonnes de Den of Geek.

La série s’attache donc à ne pas avoir « une vision essentialiste du genre » et tente de montrer que « Yorick n’est pas le dernier homme », explique Eliza Clark dans The Verge.

La série se montre plus inclusive que les comics, qui abordaient très brièvement la question de la transidentité. Dans une des séquences, le Dr Allison Mann explique à Yorick « que son seul intérêt n’est pas de ramener les hommes cisgenres. Il s’agit de ramener toute la diversité dans le monde. Cela inclut les femmes transgenres, les personnes non binaires et les personnes intersexuées », raconte Diana Bang, qui joue cette généticienne de Harvard, à Den of Geek.

La série introduit aussi de nouveaux personnages, comme Sam Jordan (Elliot Fletcher), un homme transgenre, ami de Hero (Olivia Thirlby), la sœur de Yorick. « Yorick peut se promener sans masque parce qu’on suppose qu’il est trans, alors qu’avant le virus, on suppose que les gens sont cisgenres », remarque Elliot Fletcher. Une inversion intéressante de la réalité des personnes trans qui « pose la question suivante : “Qu’est-ce qui fait un homme ? Qu’est-ce qui fait une femme ?” », souligne Eliza Clark.

Aux côtés de Yorick, qui tente de comprendre l’origine de la disparition des hommes, de nombreux personnages féminins découvrent le pouvoir : sa mère, Jennyfer (Diane Lane), sénatrice devenue présidente des Etats-Unis après les décès de toute la chaîne de succession, une agente secrète clandestine, 355, (Ashley Romans), Kimberly Campbell Cunningham (Amber Tamblyn), une autrice conservatrice, fille du défunt président des Etats-Unis.

« Ce qui était excitant dans le livre, c’était l’idée qu’un monde qui était principalement rempli de femmes n’est pas nécessairement un paradis. Les femmes soutiennent des systèmes d’oppression comme le patriarcat, la suprématie blanche et le capitalisme », souligne Eliza Clark. Y, le dernier homme, malgré quelques faiblesses au niveau du rythme, devient en quelque sorte une version actualisée des romans graphiques, justifiant pleinement son existence.

Comment humaniser et simplifier le monument « Foundation » ?

Si David S. Goyer, à qui l’on doit la trilogie Blade, The Dark Knight, Man of Steel ou encore Batman v Superman : L’Aube de la justice, n’a finalement pas produit l’adaptation au cinéma de Y, le dernier homme, il s’est attaqué en tant que producteur et créateur à un autre monument de la science-fiction, le cycle Fondation d’Isaac Asimov.

Avant lui, s’y étaient essayés New Line et Warner Bros avec Bob Shaye et Michael Lynne, responsables des effets spéciaux du Seigneur des anneaux, ou encore Sony avec le réalisateur d’Independence Day, Roland Emmerich. Même bérézina pour HBO, en 2016, avec Jonathan Nolan (entre autres coscénariste d’Interstellar) qui abandonna le projet au profit de Westworld.

Fondation, c’est une série de nouvelles publiées entre 1942 et 1944 dans la revue Astounding Science-Fiction, devenue une trilogie dans les années 1950, à laquelle Isaac Asimov a ajouté deux préquelles et deux suites dans les années 1980 et 1993.

Inspiré de L’histoire du déclin et de la chute de l’empire romain d’Edward Gibbon, ainsi que des théories d’Arnold Toynbee sur les cycles de l’histoire, ce cycle en sept tomes, légendaire et fascinant, a aussi bien eu de l’ascendant sur les prescients de Dune, l’Empire de Star Warsque sur Oussama Ben Laden, puisque le titre se traduit en arabe par Al-Qaida. Le fait qu’un matériel source avec une telle aura n’ait jamais été adapté en soixante-dix ans, prouve à quel point la tâche était ardue.

Foundation débute en l’an 12067 de l’ère galactique. Alors que l’Empire n’a jamais été aussi puissant ni aussi étendu à travers toute la galaxie, en utilisant une science nouvelle, la « psychohistoire », le mathématicien Hari Seldon prédit son effondrement d’ici à cinq siècles, suivi d’une ère de ténèbres de trente mille ans.

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Sa solution pour réduire cette période de barbarie à 1.000 ans ? Créer la Fondation, dépositaire de tout le savoir de la galaxie dans une Encyclopédie sur la planète Terminus, qui servira de berceau d’où naîtra le nouvel Empire. Une entreprise avec de nombreux et puissants détracteurs.

Un pari audacieux et risqué que David S. Goyer a réussi à pitcher en une phrase afin de convaincre Apple de produire le projet : « C’est un jeu d’échecs de 1.000 ans entre Hari Seldon et l’Empire, et tous les personnages entre les deux sont des pions, mais certains des pions au cours de cette saga finissent par devenir des rois et des reines », raconte-t-il à The Hollywood Reporter.

David S. Goyer a identifié trois problèmes majeurs pour porter la Bible d’Asimov à l’écran. Tout d’abord, « l’histoire est censée s’étendre sur 1.000 ans avec des sauts temporels considérables », énumère-t-il. Imaginez une sorte de Game of Thrones dans l’espace avec un empire galactique riche d’environ 25 millions de planètes sur une timeline gargantuesque ! Ensuite, « les livres sont une sorte d’anthologie. »

Alors que ce qu’attendent les téléspectateurs d’une série, ce sont des personnages récurrents et attachants, Fondation est une série d’histoires interconnectées avec une multitude de personnages qui apparaissent, et disparaissent comme ils sont venus. Enfin, les livres « ne sont pas particulièrement émouvants ; ce sont des ouvrages sur les idées, sur les concepts », estime le créateur de la série FoundationFondation, c’est le summum de la hard science-fiction.

« Sans trop en dire, j’ai trouvé un moyen de prolonger la durée de vie de certains personnages. Environ six protagonistes vivent de saison en saison, de siècle en siècle. De cette façon, la série devient mi-anthologique, mi-histoire continue », poursuit le showrunner.

Autre gros changement important : la diversification des personnages, comme dans Y, le dernier homme. « Il n’y a pratiquement pas de personnages féminins dans le premier livre », rappelle  David S. Goyer.

Gaal Dornick, jeune mathématicien prodige dans le livre, crucial pour l’élaboration du plan de sauvetage d’Hari Seldon (Jared Harris de Chernobyl), devient un personnage féminin, campé par l’actrice métisse Lou Llobell, tout comme Salvor Hardin, le premier maire de la Fondation, joué par l’actrice britannique noire Leah Harvey. A la manière de la série Watchmen de Damon Lindelof, Foundation ne s’en tient pas vraiment à la lettre des livres, et c’est une très bonne chose !

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