Autant, on n’est pas hyper chauds pour un Mondial de foot trop régulier, comme le souhaiterait la Fifa, autant, un championnat du monde de cyclisme qui se déroulerait une fois tous les deux ans, on militerait presque pour. Au moins, pour cette année. Parce que, clairement, on sabre encore le champagne du titre suprême obtenu par Julian Alaphilippe l’année dernière à Imola (Italie). A peine le temps de se reservir une coupette que notre Français va, peut-être, abandonner sa tunique arc-en-ciel dimanche en Belgique.
Un an avec le maillot de champion du monde et on a l’impression que Julian ne l’a pas fait franchement briller. Sévère ? Oui, sûrement, en voyant ses résultats : une victoire sur la Flèche brabançonne dix jours après son titre mondial, les bras levés sur la Flèche wallonne, deux deuxièmes places aux Strade Bianche et à Liège-Bastogne-Liège et des places d’honneur sur l’Amstel et la Clasica San Sebastian. Du « Alaph », quoi. Sans oublier son magnifique succès lors de la première étape du Tour de France, en haut de la Fosse-aux-Loups, cet été. « Il a toujours été au top, combatif, savoure Rik Van Slycke, directeur sportif de la Deceuninck-Quick Step. Il voulait toujours gagner plus avec son maillot de champion du monde. »
Click Here: mens nrl rugby jerseys« Julian s’est un peu emballé sur le Tour »
Alors, pourquoi cette sensation de « saison un peu moins bonne » pour Julian, comme nous l’a glissé Luc Leblanc, le champion du monde 1994. Oui, le coureur du Wolf Pack n’a pas gagné Milan-Sanremo. Oui, il n’a pas passé plus de dix jours en jaune sur la Grande Boucle. Oui, il n’a pas gagné plusieurs étapes sur les routes françaises. Mais encore ? « Julian s’est un peu emballé après sa victoire lors de la première étape du Tour de France, concède Leblanc, qui sera à Louvain dimanche pour soutenir les Français. Il a un peu fait n’importe quoi, en attaquant beaucoup. Il était brouillon. C’est dommage. »
Van Der Poel trop fort pour Alaphilippe sur les Strade Bianche via @20minutesSport https://t.co/YQK6ShzJGM
— 20 Minutes Sport (@20minutesSport) March 6, 2021
Après la perte du maillot jaune, dès la deuxième étape du Tour, on l’a vu attaquer à tout va, sur un peu tous les terrains, et souvent pour pas grand-chose. Trois semaines à batailler pour rentrer brocouille. « Il trouvait toujours de bonnes raisons pour essayer encore », témoignait son coach et tonton, Franck Alaphilippe dans L’Equipe. Même chose lors du Tour des Flandres, où, après son abandon lors de la précédente édition, il voulait performer. Et, alors qu’on le pensait capable de rivaliser avec les meilleurs, panne de jambes à 20 bornes de l’arrivée, merci, au revoir.
« Il est plus organisé dans sa vie »
« Nous, on n’est pas déçus, reprend Van Slycke. On avait mis des objectifs en début de saison et il les a complétés. C’est quand même une super saison, avec en plus la naissance de son fils. » Un heureux événement, quelques jours avant le début du Tour, qui peut aussi expliquer sa Grande Boucle un peu baclée. Les nuits sont moins bonnes, l’attention est ailleurs, la préparation physique et mentale compliquée… Du coup, pas le choix, la coupure était nécessaire après le Tour. Et ce sont les JO qui sont passés à la guillotine pour mieux récupérer.
Julian, c’est quelqu’un qui vit surtout sur l’émotion et l’arrivée de son fils, ça l’a stimulé, donné des forces, détaille Van Slycke. Il est devenu plus mature encore, plus pro : il réalise des entraînements plus intensifs, plus stricts, il s’accorde plus de moments de récup. Il est globalement plus organisé dans sa vie. »
Il faut bien ça pour lutter à armes égales avec Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert, « des supers coureurs sur lesquels est tombé Julian cette année », reconnaît le membre du staff de la Deceuninck-Quick Step. Car, oui, le problème vient aussi de là. Si « Alaph » gagne un peu moins par rapport à 2018 ou 2019, c’est que, dans son registre, il y a désormais deux monstres qui ne veulent rien laisser à personne.
Pression supplémentaire avec le maillot de champion du monde
Et une deuxième place derrière le Belge, comme dernièrement sur le Tour de Grande-Bretagne, ou le Néerlandais ne peut pas être vécue comme une contre-performance. « Maintenant, il y a de vrais champions avec qui il lutte, ajoute le directeur sportif. Ça tient à rien, parfois, le succès. En cyclisme, ce sont 10 à 20 cm qui décident si tu gagnes ou pas. » Des centimètres, peut-être même des millimètres, qui ne lui ont pas trop souri. Rappelez-vous, Liège-Bastogne-Liège en 2020, où Julian sûr de lui, lève les bras et se fait coiffer sur la ligne par Roglic. Cruel.
Un coup sur le carafon qui ne l’a pas empêché de relever les bras bien trop tôt, sans conséquence cette fois, une semaine après sur la Flèche brabançonne. « Il faut bien comprendre que ce maillot, ça pèse sur les épaules, assure Rik Van Slycke. Les coureurs veulent toujours montrer qu’ils méritent de le porter. Du coup, tu vis un peu en fonction du regard des autres. Si tout le monde pense que tu vas attaquer à 1km de l’arrivée, alors tu vas attaquer à 2 km.Tout doit être plus spectaculaire avec ce maillot. »
« Il sera dans la bataille »
Alaphilippe le reconnaissait lui-même à la fin du Tour : « Franchement, on ne se rend pas compte de ce que ce maillot m’a réclamé, physiquement et psychologiquement. Et on m’en demandait toujours plus. » « On a toujours une pression de bien figurer avec ce maillot, ajoute Luc Leblanc, qui, en 1994, n’avait pu faire briller sa tunique arc-en-ciel à cause d’un mauvais choix d’équipe et de pépins physiques. Moi, c’est mon plus grand regret de ne pas avoir pu faire honneur à ce titre. Et puis, il y a l’ego qui compte aussi. On veut toujours en montrer plus. Mais Julian est resté fidèle à ses principes. »
Dimanche, à Louvain, Alaphilippe sera encore une fois parmi les favoris, même si Wout Van Aert aura la plus belle pancarte du peloton. « Le parcours lui convient quand même très bien, pronostique Leblanc. S’il fait comme d’habitude, il peut gagner la course. Et, je pense, qu’il aura une motivation supplémentaire avec les deux face à lui dans ce genre de course. » « Julian sait où il doit être, conclut Rik Van Slycke. S’il a les jambes, il sera là. Il est physiquement prêt. Sauf chute ou ennui mécanique, il sera dans la bataille. Ça ne va pas être facile, mais le cyclisme n’est jamais facile. »