Lancé en 2009, le jeu online et free-to-play League of Legends s’est imposé comme le plus joué dans le monde, et est devenu un ambassadeur de l’esportLa licence s’est également étendue au-delà du jeu vidéo, avec des comics, des groupes de musique et la série animée Arcane, succès sur NetflixLe PDG Riot Games, Nicolo Laurent, revient sur le projet pour 20 Minutes, et sur les défis qui attendent League of Legends… d’ici la fin du siècle

Inutile de présenter League of Legends (LoL), le jeu vidéo aux 180 millions de joueurs et joueuses dans le monde, devenu l’ambassadeur de l’esport avec sa scène professionnelle, ses ligues internationales et locales, et son public, jusqu’à 100 millions de spectateurs et spectatrices en ligne pour les championnats du monde 2019. Il a d’ailleurs décroché jeudi le Game Award du meilleur jeu esport pour la troisième année consécutive. Au même moment, son éditeur Riot Games dévoilait un nouvel album de musiques, Sessions : Diana, à destination des streamers et créateurs de contenus.

Preuve supplémentaire que LoL est aujourd’hui plus qu’un jeu vidéo, la série animée Arcane sur Netflix a rencontré un succès critique et (grand) public qui a surpris jusqu’à ses créateurs. Le PDG de Riot Games, le Français Nicolo Laurent, revient sur ce projet à part (il a failli s’arrêter) et les défis qui attendent League à Legends pour étendre son univers.

Vous attendiez-vous à un tel succès pour la série « Arcane » ?

On a quand même été un peu surpris. On était confiants sur la partie animation, car nous travaillons depuis des années avec le studio français Fortiche. La surprise est plutôt venue de la réception de l’histoire. On aimait bien sûr ce qu’on racontait, mais on avait également peur d’être dans notre bulle, d’être biaisés. Mais non, les personnes ont été au rendez-vous et les critiques très positives.

« Arcane » est une série animée Netflix mais également un produit dérivé « League of Legends », quelle était l’intention, l’ambition de départ ?

Riot a fait pas mal de clips musicaux, liés aux champions et aux histoires LoL, avec à chaque fois des millions de vues sur YouTube et toujours comme premier commentaire : « A quand le film League of Legends ? » On avait envie de répondre à cette attente, mais il est difficile d’écrire une bonne histoire, d’atteindre le top niveau d’animation, et on a donc fait toutes les erreurs ou presque en chemin. Cela a pris du temps, six longues années, avec des pauses, des remises en question. J’en ai conclu que les meilleurs projets créatifs sont toujours les plus douloureux. (rires)

C’est seulement une fois le projet quasi terminé que nous sommes allés voir les diffuseurs, Netflix & compagnie. On était persuadés que personne ne nous aiderait vu nos ambitions, et on voulait pouvoir arrêter le projet en cours de route si besoin, avoir cette liberté à la fois créative et financière. D’ailleurs, on l’a fait.

La production d’« Arcane » s’est arrêtée ?

Après le pilote, oui. Le studio Fortiche était passé d’une dizaine de personnes à 300, plus une centaine chez nous. Le pilote était sympathique, mais il y avait des problèmes avec le reste de l’histoire, avec le rythme de la série. On a donc arrêté le temps de retravailler l’histoire et Fortiche en a profité pour bosser sur le groupe de K-Pop K/DA. La série a repris plus d’un an après.

Avez-vous envisagé de diffuser la série vous-même ? Pourquoi collaborer avec Netflix ?

L’idée nous a trotté dans la tête, et trotte encore, pour avoir la liberté, par exemple, de sortir les épisodes quand on veut, ou de faire des interactions et des intégrations avec le jeu. Mais nous sommes une boîte de jeux vidéo, pas une plateforme. C’est un autre métier… Même si parfois, c’est vrai, on préférait faire comme on veut. (rires)

Série, clips, comics, jeu de cartes… Riot Games a-t-il la volonté de faire de « League of Legends » un univers multimédia ?

Oui mais avec un peu de nuance. On ne le fait pas pour se diversifier, pour être sur tous les tableaux. On le fait vraiment pour les joueurs. Je m’explique. J’adore dire que Riot Games est moins une boîte de jeux qu’une boîte de gamers. Que l’on se définit par l’audience que l’on cible, moins par les produits que l’on fait. Or, les gamers jouent, mangent, travaillent, regardent des séries… On essaie donc d’imaginer des expériences pour eux, mais attention, pas toutes, on ne va pas faire de la bouffe ou du transport. Les gamers regardent de plus en plus de contenus liés aux jeux : des influenceurs sur Twitch, des guides sur YouTube, des séries liées à un univers…

Créer une série ou un film League of Legends était donc naturel, et notre approche a été la même que pour l’esport. Même si cela peut paraître différent. LoL n’est pas qu’un jeu mais également maintenant un sport, avec des ligues, des tournois, des stars à admirer, des pros pour s’améliorer… Cela rend le jeu plus sympa, comme peut l’être le foot. Il en va de même pour les films et les séries, c’est tout de suite plus sympa quand vos personnages préférés ont une histoire, une vie, des relations. Cela améliore l’expérience de jeu.

Avez-vous pu constater une hausse de joueurs après « Arcane » ?

On est en train d’essayer de le quantifier. Je n’ai pas encore les chiffres, mais s’il y a une vraie répercussion, des gens qui commencent le jeu, qui y reviennent, qui monétisent plus, cela me permettra d’augmenter le budget de la série. C’est comme pour l’esport, même si on a perdu de l’argent – et on en perd encore un peu – l’effet sur le jeu est énorme. Car le jeu reste l’eldorado. Les marges y sont énormes, comparées à la série ou à l’esport.

L’époque est aux grosses franchises, aux univers déclinables… Est-ce également l’état d’esprit chez Riot ?

Notre volonté est effectivement d’étendre l’univers League of Legends, mais pas non plus de l’exploiter à la manière de Marvel, avec tous ces films et séries chaque année. Chez Riot, il y a énormément de fans de Star Wars, tout le monde est fan de Stars Wars en fait, et j’aimerais la même chose pour une licence jeu vidéo comme LoL.

D’autres projets, selon différents formats et médias, sont donc en développement ?

Il y en a beaucoup, et si je les évoquais, ce serait au conditionnel, car on peut les annuler, les rebooter, les changer. Seule certitude : la saison 2 d’Arcane est en cours de production, et il ne faudra pas attendre six ans pour la voir.

« League of Legends » a longtemps été la seule lience de Riot Games, puis est arrivée « Valorant ». D’autres sont possibles ?

Pas vraiment. En fait, je suis plutôt pour mettre tous mes oeufs dans le même panier, un beau panier que l’on améliore, agrandit. Ce panier, c’est bien sûr League of Legends. A chaque nouveau jeu, on demande à nos équipes de recherche et développement de toujours commencer par l’univers LoL, que ce soit pour un jeu de cartes, d’action ou de rôle. Ce n’est que si l’univers ne convient pas que la question de créer une nouvelle IP est envisagée. Valorant, on a essayé de le faire plusieurs fois dans l’univers de LoL, mais cela ne fonctionnait pas au niveau du gameplay.

Comment voyez l’avenir de l’esport pour « League of Legends » ?

Il y a encore des débats sur l’esport, mais si vous voulez mon avis, d’ici la fin du siècle, les plus gros sports au monde seront des esports. Il y aura encore des sports traditionnels, comme le foot ou le basket, mais une bonne moitié du top 10 sera de l’esport. C’est un mouvement de fond et c’est notre horizon chez Riot Games. Nous approchons l’esport avec le même professionnalisme et les mêmes ambitions que peuvent le faire les sports traditionnels. Et si Riot pouvait avoir 2 ou 3 de ces top esports, ce serait pas mal.

Regardez-vous ce que fait la concurrence ? Vous inspire-t-elle ?

Nous sommes de gros fans de Blizzard, nous avons grandi avec les énormes franchises qu’ils ont créées comme World of Warcraft ou Overwatch. Mais nous sommes plutôt à un stade où il faut que nous écrivions notre propre histoire. On regarde donc moins la concurrence qu’on écoute les joueurs.

Click Here: derry gaa jerseysComment les joueurs et joueuses ont-elles évolué en 10 ans ?

Beaucoup a changé en 10 ans. Grâce à Internet, il y a une forme désintermédiation, c’est-à-dire que la relation entre créateurs et consommateurs est plus proche. On ne peut plus « coincé » le joueur. Avant, il y avait le marketing, la distribution, qui existent toujours bien sûr. Mais la créativité et la qualité sont devenues les valeurs maîtresses, et c’est vraiment génial.

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