Des millions de Français sont migraineux ou ont régulièrement mal à la tête. Mais ces douleurs, plus ou moins violentes et répétitives, altèrent-elles le cerveau, au point d’augmenter le risque d’accident vasculaire cérébral, d’accélérer le déclin de la mémoire, voire l’évolution vers la maladie d’Alzheimer ? Non, du moins pour les migraines sans aura, selon une étude rassurante publiée dans la prestigieuse revue The British Medical Journal.

Au moins 1 personne sur 10 souffre de migraines, plus ou moins intenses, plus ou moins chroniques, avec ou sans signes d’accompagnement (

voir notre mini-site sur la migraine). Quant aux maux de tête chroniques non migraineux, qu’ils soient liés à une

céphalée de tension, un traumatisme crânien ou autre, ils affectent également régulièrement une partie de la population. Mais, selon les travaux de Christophe Tzourio et son équipe de l’Inserm de l’hôpital La Pitié-Salpêtrière (Paris), ces pathologies ne semblent pas aggraver certains risques cérébraux, malgré les craintes suscitées par des images inhabituelles à l’IRM chez ces patients. Migraine chronique : des images inquiétantes à l’IRMLes personnes qui souffrent de migraine ou de maux de tête chroniques peuvent présenter, après des années d’évolution, des lésions localisées dans la substance blanche du cerveau, évocatrice d’une ischémie (mini-infarctus local),

comme l’ont déjà démontré plusieurs études.La migraine étant un phénomène vasculaire (

voir notre animation explicative), et ce genre d’images cérébrales (à l’IRM) étant retrouvé chez des personnes présentant des facteurs de risque cardiovasculaire, il était logique de craindre une augmentation du risque d’

accidents vasculaires cérébraux et de déclin cognitif, et ce d’autant qu’il est déjà malheureusement prouvé

que la migraine augmente les risques pour le coeur… Pour en savoir plus, Christophe Tzourio et son équipe ont donc suivi 780 personnes, nées entre 1922 et 1932 (âge moyen de 69 ans au début de l’étude, 58,5 % de femmes), pendant plus de 10 ans, afin de comparer les IRM et les facultés cognitives des migraineux par rapport aux non-migraineux.Confirmation des anomalies à l’IRM…

163 participants, soit environ 20 % de la population suivie, ont signalé aux investigateurs des antécédents de maux de tête importants. Parmi ceux-ci, 116 avaient eu des migraines, dont 17 présentaient des migraines accompagnées (“

migraines avec aura“). Les IRM pratiquées à l’ensemble des participants ont montré que les personnes ayant eu des maux de tête sévères présentaient davantage d’hypersignaux de la substance blanche que les autres, ce qui confirme le résultat des études précédentes.… Mais pas de différence sur les risques cérébraux, vasculaires ou dégénératifsLes éventuels AVC survenus pendant 10 ans ont été relevés, puis des psychologues leur ont fait passer divers tests d’aptitude à la mémorisation, la logique, la verbalisation, la reconnaissance d’objets, de personnes, etc. (mini-mental statut, test visuel de Benton, etc.).Premier résultat, les patients migraineux n’avaient pas plus de risque d’accident vasculaire cérébral que les autres patients, et ce indépendamment de l’âge, du sexe, des antécédents d’hypertension artérielle, du tabagisme éventuel, des antécédents cardiovasculaires personnels et familiaux. Malheureusement ceci n’est pas valable pour les personnes ayant une migraine avec aura, qui ont un risque augmenté d’AVC. Ce serait lié au fait qu’ils avaient davantage de risque d’avoir de multiples petits infarctus de la substance blanche.Quant aux résultats des tests effectués avec les psychologues, ils ne montrent pas d’association entre un éventuel déclin cognitif et la migraine, la migraine avec aura, les céphalées de tension et autres céphalées chroniques.En résumé, cette étude confirme l’existence de lésions cérébrales de type ischémiques après des années de migraine ou d’autres maux de tête chronique, mais ces lésions ne sont pas associées à une augmentation du risque d’AVC (sauf les migraines avec aura) ni une augmentation du déclin cognitif. Cette étude n’encourage donc pas à multiplier les examens d’imagerie cérébrale chez les patients migraineux chroniques, mais incite à davantage de vigilance en cas de migraine chronique avec aura, sans oublier la maîtrise du risque cardiovasculaire (prévention de l’hypercholestérolémie, de l’hypertension, de l’infarctus…), risque plus élevé chez les migraineux. Jean-Philippe Rivière
Sources :
– “Headache, migraine, and structural brain lesions and function: population based Epidemiology of VascularAgeing-MRI study“, Kurth T et coll., BMJ, 18 janvier 2011, étude

accessible en ligne
– “Migraine is associated with magnetic resonance imaging white matter abnormalities: a meta-analysis“, Swartz RH, Kern RZ., Archives of Neurology, 2004;61:1366-8, résumé

accessible en ligne