En cette rentrée séries chargée, rien que sur Netflix, Clickbait a réussi à se faire une place dans le top 10 de la plateforme et dans le quotidien des téléspectateurs. Voire dans une seule de leur journée. Clickbait, c’est l’histoire de Nick Brewer, un père de famille sans histoire qui disparaît mystérieusement. Sur Internet, une vidéo virale apparaît et le montre blessé, tenant un carton qui l’accuse d’être violent envers les femmes. Pire : d’en avoir tué une. Si la vidéo atteint les cinq millions de vues, Nick Brewer sera abattu par ses ravisseurs. S’ensuit une course contre la montre durant laquelle il faudra répondre à plusieurs questions : Qui en veut à Nick Brewer et pourquoi ? Le kidnappé a-t-il caché son vrai visage à ses proches ?
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Comme son titre l’indique, Clickbait est donc une série parfaite pour le binge watching. Un thriller psychologique, addictif, imprévisible. Pourtant, sa fin a pu susciter surprise, colère ou dépit. Au choix… selon les Experts séries de 20 Minutes.
———– ATTENTION SPOILERS SUR LA SERIE ET SUR SA FIN ————-
« La surprise et l’efficacité au sacrifice de la cohérence » selon Vincent Julé
Faites entrer les accusés : Sophie, l’épouse qui entretenait une liaison extraconjugale ? Emma, la maîtresse autoproclamée et croisée sur un site de rencontres ? Matt, le meilleur pote coach un peu trop présent pour être honnête ? A quelques épisodes de la fin, il devient clair qu’il y a plusieurs coupables… et plusieurs crimes. L’enlèvement et la vidéo, c’est l’affaire de Simon, le frère d’une victime de Nick ou de catfishing qui s’est suicidée.
Mais qui a tué Nick alors ? C’est là que l’auteur de ses lignes s’est cru plus malin que tout le monde. Ah ah, mais, oui, c’est Vince, le pote de la sœur de Nick, un jeune hacker qui apparaît ponctuellement dans la série. Badaboum : le dernier épisode s’ouvre sur Dawn, la collègue ménagère et discrète de Nick. Une coupable impossible à trouver. Ou presque. Peut-être aviez-vous tilté lorsque Nick lui laisse installer ses mots de passe et synchroniser son téléphone au détour d’une scène…
Contrairement à de nombreux films, séries, romans, Clickbait réussit là un coup de théâtre. Et Tony Ayres peut dérouler les explications et les motivations de Dawn. Quant au spectateur s’en fiche un peu, il « s’est fait eu ». Pourtant le bât blesse car la surprise et l’efficacité prennent le pas sur la cohérence. Exemple : la police n’a donc jamais enquêté sur les faux profils ou les montages photos ?
« Un coupable complètement “What the Fuck” » selon Laure Beaudonnet
A trop vouloir surprendre son public, Clickbait saccage le dénouement d’une intrigue, pourtant bien tenue sur les sept premiers épisodes. L’idée de détruire l’image angélique de la victime – comme les médias ont tendance à le faire dans le traitement des faits divers – est pertinente et même passionnante. Aux yeux du grand public (et du spectateur), la famille devient complice d’un bourreau au comportement de sociopathe.
Mais à l’heure du dénouement où on découvre que l’identité de Nick a été usurpée, Clickbait trébuche dans le twist de trop et tire de son chapeau un couple de coupables complètement what the fuck. Rien ne colle. Pourquoi Dawn Gleed décide-t-elle de prendre les traits de son collègue avec qui elle s’entend si bien ? L’argument du sentiment de la solitude semble bien fragile. Pire, imaginer que son époux, Ed, qui vient seulement de découvrir les agissements de sa femme, parvienne à tuer froidement un Nick tout juste échapper des mains de ses ravisseurs ne prend pas non plus. Et d’observer avec tristesse le scénario tenter de justifier à grand renfort d’énormités le mobile de ce couple. Dommage.
« La désagréable impression de s’être fait avoir » selon Fabien Randanne
La série porte bien son nom. Clickbait est un « piège à clics » : on est accrochés par une entrée en matière intrigante et une fois l’épilogue venu, on a la désagréable impression de s’être fait avoir. Nick doit ainsi sa perte à la secrétaire du lycée pour lequel il travaille. La si gentille Dawn, avec sa bonhomie de Mamie Nova, montre qu’il ne faut pas se fier aux apparences.
Le fait d’accepter de croire à ce que nous raconte une fiction afin de l’apprécier pleinement porte un nom : la suspension d’incrédulité. Avec cette série, elle transperce le plafond. Déjà, il faut gober qu’un jeune quadra accepte de confier à une collègue la responsabilité de son mot de passe et de la synchronisation de son téléphone – alors qu’il entretient des échanges sentimentaux avec une autre femme que la sienne. Que Dawn se décide ensuite à créer de faux profils pour flirter sur des sites de rencontres en usurpant l’identité de Nick, passe encore. C’est sûrement ce que ferait Madame Bovary aujourd’hui pour tromper l’ennui. Mais comprendre sa relation avec son mari Ed est plus compliqué. Soit il incarne la voix de la raison qui demande à son épouse d’arrêter ses facéties virtuelles, soit il est celui qui la met encore plus dans le pétrin. Par exemple, en tuant Nick. Et en tentant de tuer Kai, le fils de ce dernier.
La mort de Nick, parlons-en : avaler que le premier réflexe de cet homme qui a été enlevé, séquestré, frappé et menacé de mort soit d’aller toquer à la porte de Dawn pour régler ses comptes avec elle exige d’avoir une bonne descente. Je préfère les conclusions bien menées se savourant à petites gorgées.