Le 3èmeplan cancer devra anticiper les nouvelles organisations qu’imposent les innovations thérapeutiques tandis que les pouvoirs publics devront, de leur côté, négocier avec les industriels pour que celles-ci soient commercialisées au juste prix, afin de ne pas accentuer les inégalités d’accès aux soins, préconise le Pr Jean-Paul Vernant dans son rapport sur les recommandations pour le 3èmeplan cancer, qu’il a remis le 30août à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et à la ministre de l’Enseignement supérieur de la recherche, Geneviève Fioraso.
Le Pr Jean-Paul Vernant a remis son rapport fasant état de ses recommandations pour l'élaboration du 3ème plan cancer.
Ce rapport fait suite à celui de la Direction Générale de la Santé (DGS), dans lequel elle dressait un
bilan plutôt mitigé du 2ème plan cancer, précisant que seules 60 % des 118 actions prévues et engagées ont effectivement été réalisées (ou le seront d’ici la fin de l’année), et que les moyens ont été mobilisés à hauteur de 85 %.Si Jean-Paul Vernant crédite le 2ème plan cancer de “progrès majeurs dans le domaine de l’organisation de la recherche comme dans celle des soins“, il estime que le
3ème plan doit aller plus loin en “anticipant les nouvelles organisations qu’imposeront les innovations thérapeutiques en permanent développement“.Son rapport s’articule autour de 3 objectifs qui visent à améliorer l’état de santé des Français :
- La réduction effective des inégalités de santé ;
- Les adaptations nécessaires du système de santé et de son financement à l’évolution des pratiques, des métiers et des équipements ;
- La simplification de l’organisation existante, afin d’en augmenter l’efficacité et la cohérence.
La réduction des inégalités de santéFigurant déjà au programme du 2ème plan cancer, la lutte contre les inégalités d’accès aux soins doit rester une priorité du 3ème plan, “compte tenu des écarts constatés sur la prévalence des facteurs de risques, le dépistage, l’incidence, la mortalité, les parcours de soins“. Pour bien faire, l’auteur du rapport suggère la mise en place d’indicateurs d’impact afin d’en évaluer l’efficacité. Et d’en proposer 4 : la mortalité prématurée par cancer, les inégalités de participation aux dépistages des cancers, le sur-risque de mortalité des cancers chez les plus de 75 ans, et enfin les inégalités de survie.Pour lutter contre les inégalités de participation aux
dépistages des
cancers, le Pr Jean-Paul Vernant suggère de porter à 60 % le taux de participation au dépistage du
cancer colorectal, de généraliser le dépistage organisé du
cancer du col de l’utérus et de développer la
vaccination anti-HPV.Pour lutter contre le sur-risque de mortalité chez les plus de 75 ans, il propose d’améliorer l’information et l’éducation des populations ainsi que des professionnels de santé, ce qui devrait réduire le retard au diagnostic.Enfin, contre les inégalités de survie, le Pr Vernant rappelle que les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), actuellement assurées pour 80 % des patients, doivent l’être pout tout patient, comme le prévoit la loi de santé publique de 2004.Les délais de diagnostic et de prise en charge, les dépassements d’honoraires et les restes à charge qui freinent l’accès aux technologies et médicaments innovants, l’accompagnement et le suivi des patients après traitement sont également cités comme des points critiques de la prise en charge qu’il convient d’améliorer.Dans la lutte contre le
tabagisme, le 2ème plan cancer n’a pas su relever le défi. Pour sortir de l’échec, l’augmentation des prix ne doit plus être la seule approche, estime Jean-Paul Vernant. Ce dernier préconise d’instaurer les
paquets neutres dans les 2 ans à venir, de rembourser les
substituts nicotiniques à hauteur de 3 tentatives d’essais et d’évaluer l’intérêt de la
cigarette électronique. En outre, les taxes perçues sur la vente de tabac doivent servir à financer des programmes d’actions ciblées envers les populations défavorisées, plus touchées par le tabagisme, actions qui ne doivent plus reposer sur leur stigmatisation.Les adaptations nécessaires du système de santéAvec un nombre croissant de patients en
chimiothérapie, qui augmente plus vite que celui des nouveaux cas, et la complexité des stratégies thérapeutiques qui s’intensifie, le 3ème plan cancer devra “veiller à l’adéquation des ressources médicales aux besoins des patients“, notamment en formant des médecins ayant compétence à la prescription de traitements anticancéreux.L’innovation thérapeutique impose par ailleurs de repenser les modèles de financement des établissements. Notamment, “il importe que la T2A s’adapte en urgence aux nouvelles modalités de
traitement du cancer“, peut-on lire dans le rapport, “car elle crée une pression directe sur les établissements de santé pour réduire la durée et le coût des séjours hospitaliers sans pour autant tenir compte des résultats thérapeutiques“, selon les termes repris du rapport de l’Irdes (Activité, productivité et qualité des soins des hôpitaux avant et après la T2A – 2013). Jean-Paul Vernant suggère donc de “valoriser les consultations de mise en place des traitements oraux et l’éducation thérapeutique“ et d’introduire des formes de dotation en fonction de l’activité et du type de structure.Face à la montée en puissance des soins ambulatoires, il faudra “repenser d’emblée les rapports ville-hôpital“ et impliquer davantage les médecins traitants et autres médecins de proximité. Le Pr Vernant propose par exemple d’identifier des infirmiers qui fassent le lien entre l’hôpital et le patient, afin que celui-ci puisse le contacter aux heures ouvrables. Les patients, de leur côté, doivent être encouragés à être de plus en plus autonomes, grâce à une meilleure information (développement et renforcement de sites Internet gérés par des patients, création de forums pour jeunes patients, etc.), une plus forte implication en les associant à l’élaboration des programmes thérapeutiques, et l’implication des patients-ressources dans le parcours de soins.Pour régler le problème de l’accès aux assurances et aux prêts des patients et anciens patients pourtant guéris, le rapport propose notamment de créer un “observatoire des risques“ dont les données permettront de revoir périodiquement le montant des surprimes d’assurance en tenant compte de la diminution du risque.Simplification de l’organisation existantePour ce qui est de l’organisation du plan cancer, le rapport décrit “une gouvernance du plan qui mérite d’être clarifiée“ et “des circuits complexes de financement des mesures“. Jean-Paul Vernant suggère donc de mettre en place un comité de pilotage interministériel et de charger l’INCa d’assurer le suivi des mesures, qui sera rendu public dans un rapport d’étape à raison de deux fois par an. A l’heure actuelle, il existe une multitude de structures avec une gouvernance propre au niveau régional et territorial (réseaux territoriaux de cancérologie, infirmiers de coordination, réseaux régionaux de cancérologie, etc.), mais pouvant faire doublon. Il s’agit donc de simplifier tout cela afin de gagner en visibilité et en efficacité.Autant dire que le chantier s’avère immense et ambitieux ! Marisol Touraine et Geneviève Fioraso ont remercié le Pr Vernant pour “son important travail et les pistes de réflexion mises en avant dans son rapport“ et annoncent que le plan cancer 3 sera annoncé en janvier 2014.Amélie Pelletier
Sources
– “Recommandations pour le 3ème Plan cancer – Rapport à la ministre des Affaires sociales et de la Santé et à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche“ – Pr Jean-Paul Vernant, remis le vendredi 30 août 2013 (
téléchargeable en ligne).
– Communiqué des ministères de la Santé et de l’Enseignement et de la Recherche (
accessible en ligne).